Robert Fortune, l’espion talentueux du thé

L'espion du thé, son livre, ses missions

Peu après la première guerre de l’opium et le rétablissement des échanges économiques avec la Chine, l’Empire britannique entreprend, dès 1845, la création de plantations de thé en Inde. Ils espèrent ainsi s’affranchir du monopole chinois sur le thé.

Cependant, ce projet ambitieux se heurte à deux défis majeurs : l’obtention de théiers de qualité et la maîtrise des techniques de fabrication du thé noir et vert.

Un botaniste explorateur

En 1848, la Compagnie des Indes orientales charge Robert Fortune (1812-1880), botaniste britannique, d’une mission cruciale : collecter des plants et des graines de théiers de qualité dans différentes régions de Chine et de percer les secrets de fabrication du thé noir et du thé vert, jusque-là jalousement gardés par les Chinois.

Déjà en 1843, Fortune s’était illustré par son premier voyage en Chine, relaté dans son ouvrage « Trois années d’excursions dans les provinces du nord de la Chine ». Dans ce livre, il partageait ses observations sur les étapes de la fabrication du thé, affirmant, fait révolutionnaire pour l’époque, que le thé vert et le thé noir provenaient en réalité de la même plante.

Une Chine intérieure interdite aux étrangers

Robert Fortune porteur thé

Loin d’être apaisées, les relations entre la Chine et les puissances occidentales restent tendues à cette époque. Malgré l’ouverture forcée de cinq comptoirs commerciaux occidentaux sur son territoire suite aux guerres de l’opium, la Chine maintient une politique de verrouillage strict : les Occidentaux se voient interdire tout voyage à l’intérieur du pays. Cette situation illustre le climat de méfiance et d’hostilité qui caractérise les relations sino-occidentales à cette époque.

Un voyage sous couverture

Afin de se fondre dans la population locale et de faciliter sa mission, Robert Fortune adopte plusieurs stratagèmes audacieux lors de ses deux expéditions en Chine. Il se travestit tout d’abord en homme chinois, arborant une tenue traditionnelle et portant une longue natte de cheveux. Il maîtrise également le mandarin pour converser avec les habitants et échanger des informations précieuses. Lorsqu’il rencontre des individus trop curieux, il confie à ses guides le soin de les berner sur sa véritable identité. Ces derniers le présentent comme « un seigneur d’un pays bien éloigné au-delà de la Grande Muraille ».

Cette stratégie ingénieuse permet à Robert Fortune de voyager incognito à travers la Chine et d’accomplir sa mission avec succès.

Carnets de route d’un explorateur émerveillé

Au-delà de sa quête audacieuse de théiers, Robert Fortune nous offre, dans ses récits, une peinture vibrante de la Chine de son époque. Il croque avec précision les scènes de la vie quotidienne, des aubergistes aux mendiants, des coolies aux porteurs, en passant par les fumeurs d’opium et les moines.

Son regard d’étranger curieux et son humour aiguisé transpercent ses écrits, nous faisant partager son émerveillement devant les coutumes locales, sa joie de botaniste face à de nouvelles espèces, et ses humeurs changeantes au gré des aléas du voyage.

À travers ses récits, on ressent l’excitation de l’exploration, l’étonnement face à l’inconnu et la passion d’un homme pour la nature et ses trésors.

Ses expéditions, sa mission

montagnes wuyi chine

Robert Fortune a pour objectif de percer le secret de fabrication du thé en Chine, de ramener en Inde graines et plants de théier et d’engager des ouvriers chinois expérimentés dans la culture et la transformation de cette précieuse denrée.

Deux destinations majeures guident ses pas : les monts Wuyi dans le Fujian, réputés pour leurs thés plutôt oxydés, et les montagnes Huangshan dans l’Anhui, berceau de thés verts renommés.

En 1850, couronnant son succès, Fortune introduira son précieux butin en Inde, où il contribuera à l’essor de plantations de thé dans l’Utar Pradesh.

Robert Fortune : l’instigateur du thé indien

Loin de se limiter à la simple collecte de plants et de secrets de fabrication, Robert Fortune joue un rôle déterminant dans l’essor de la culture du thé au sein de l’Empire britannique en pleine expansion. Son savoir-faire et ses contributions précieuses permettent d’optimiser les techniques de culture et de transformation du thé, insufflant une nouvelle dynamique à cette industrie florissante.

En 1856, un symbole fort de ce succès émerge : la création de la première plantation de thé à Darjeeling, prélude à une longue et fructueuse histoire pour le thé indien.

Un héritage botanique inestimable

De 1853 à 1862, Robert Fortune embarque pour de nouvelles aventures, sillonnant à nouveau les terres chinoises et explorant les richesses végétales du Japon. Son insatiable curiosité et sa passion pour la botanique le conduisent à introduire en Occident plus de 120 espèces de plantes ornementales et horticoles, enrichissant ainsi considérablement les jardins botaniques européens.

Véritable ambassadeur de la flore, Robert Fortune accomplit une mission plus que réussie au service de la Couronne britannique, contribuant à l’émerveillement et à l’épanouissement des jardins occidentaux.

Sources


9 Commentaires sur “Robert Fortune, l’espion talentueux du thé

  1. Rousseau jean-dominique dit:

    Livre passionnant. Mais sans faire oublier la perfide Albion avec les traités inégaux et la guerre de l’opium
    Après la route du thé et des chevaux au Yunnan, la tentation est grande de refaire l’itinéraire avec les moyens modernes. Au travail.

  2. CLERGUE Jean-Albert dit:

    Lu « La route du thé et des fleurs » parut chez Payot. Passionnant de connaître enfin ce document dont j’avais trop longtemps ignoré l’existence.
    Un grand regret toutefois : on se perd souvent au milieu d’une floraison de noms de cités chinoises et de rivières que l’on situe assez mal. La jonction d’une carte, même simplifiée, faciliterait la compréhension du récit.
    Espérons qu’une prochaine édition y pourvoira.
    Une note de l’éditeur fait mention de l’omission des chapitres « purement techniques » de la première édition
    John Murray de 1852 et concernant la culture et la préparation du thé. Souhaitons, un jour, une édition complète… Merci.

  3. kilinç dit:

    le premier biocorsaire du monde….auj.ce sont les firmes multinationales qui exploitent les ressources locales des pays et obtiennent des brevets a tort.

  4. Paule Cervetti dit:

    Super l emission sur arte je vais m acheter le bouquin a decouvrir est surtout aconserve dans sa bibliotheque Chaque fois que jevais boire un the je vais penser a lui Acette epoque voyager e Chine c etait etre privilegie malgre le cote spartiate et ledanger

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