Lu Yu et le Classique du Thé

Livre sur le thé, philosophie de Lu Yu

Au cœur d’une Chine en pleine expansion, la dynastie Tang (618-907) marque l’apogée de la culture du thé. Dans un contexte culturel et spirituel florissant, un auteur va marquer à jamais la place de cette boisson dans la culture chinoise. Voici l’histoire de Lu Yu.

L’Empire Tang : une apogée culturelle et spirituelle


Sous la dynastie Tang, l’Empire chinois s’unifie et connait une prospérité sans précédent, ouvrant la voie à un âge d’or culturel et spirituel. Cette période faste est marquée par l’essor des trois grandes pensées philosophiques qui ont façonné la civilisation chinoise :

  • Le taoïsme, prônant l’harmonie avec la nature et le détachement du monde matériel, trouve un écho favorable auprès d’une élite en quête de sens et de spiritualité.
  • Le confucianisme, mettant l’accent sur les valeurs morales, l’ordre social et le respect des traditions, renforce son rôle de pilier idéologique de l’Empire.
  • Le bouddhisme, quant à lui, s’implante durablement en Chine, apportant avec lui de nouvelles perspectives philosophiques et religieuses.

Cette effervescence intellectuelle se traduit également par une littérature florissante. De grands poètes, tels que Li Bai et Du Fu, émergent à la cour impériale, célébrant la beauté de la nature, les plaisirs de la vie et les valeurs morales chères à la société Tang. Leurs œuvres, empreintes de sensibilité et d’imagination, contribuent à enrichir le patrimoine culturel chinois et à asseoir la réputation de l’Empire sur la scène internationale.

Les moines bouddhistes : thé et méditation


Au cœur de l’expansion de la culture du thé sous la dynastie Tang, les moines bouddhistes se distinguent comme des acteurs clés de son ascension fulgurante. Leur rôle ne se limite pas à la simple consommation de cette boisson, mais s’inscrit profondément dans leurs pratiques spirituelles.

Intégrant le thé à leurs rituels méditatifs, les moines découvrent ses vertus apaisantes et propices à la concentration. Ils louent sa capacité à calmer l’esprit, à favoriser l’introspection et à faciliter l’atteinte de la sérénité intérieure. Cette association étroite entre le thé et la spiritualité confère à cette boisson une aura de raffinement et de noblesse, la distinguant des simples breuvages utilitaires.

L’adoption du thé par les moines bouddhistes lui confère un prestige et une popularité considérables. Leur influence s’étend au-delà des monastères, touchant les élites et la population en général. Cette reconnaissance contribue à l’essor fulgurant du thé, le transformant en un élément incontournable de la culture et des traditions chinoises.

Lu Yu et le Cha Jing : une œuvre fondatrice


C’est au cœur de cette effervescence culturelle et spirituelle que naquit Lu Yu. Né orphelin en 733 dans la région du Hubei en Chine, il fut accueilli dans un monastère bouddhiste, où il trouva refuge et instruction. Sous la tutelle de Maître Zou Fuzi, un sage reconnu pour sa connaissance profonde du thé, Lu Yu s’initia aux secrets de cette plante fascinante.

Au contact de son mentor, il développa une connaissance approfondie des différentes variétés de thé, de leurs terroirs et de leurs méthodes de culture. Il s’imprégna également des techniques de préparation minutieuses, héritées d’une longue tradition. Passionné par cet art de vivre, Lu Yu voua sa vie à l’étude et à la diffusion du savoir de cette plante.

Entre 770 et 780, il rédige son œuvre majeure : le Cha Jing, ou « Classique du Thé ». Ce traité exhaustif constitue une véritable bible pour les amateurs de thé, codifiant l’ensemble des connaissances de l’époque sur cette boisson. Lu Yu y aborde en détail les aspects botaniques du théier, les techniques de cueillette et de transformation des feuilles, les méthodes de préparation idéales, ainsi que les vertus médicinales et spirituelles attribuées au thé.

Le Cha Jing de Lu Yu eut un impact considérable sur la culture chinoise, établissant les fondements d’une véritable culture du thé. Son influence se propagea rapidement au-delà des frontières de l’Empire, contribuant à la diffusion du thé dans le monde asiatique.

Mais l’œuvre de Lu Yu ne se limite pas à un simple recueil de connaissances techniques. Il y insuffle une dimension poétique et spirituelle, célébrant le thé comme un art de vivre, une source d’harmonie et de bien-être. Pour Lu Yu, la préparation et la dégustation du thé ne sont pas de simples gestes anodins, mais un véritable rituel, une invitation à la contemplation et à la sérénité.

De Tu à Cha


Avant le 8ᵉ siècle, le thé n’avait pas de mot ou de caractère spécifique pour le désigner. En effet, il faisait partie d’un groupe plus large de plantes et d’herbes consommées principalement à des fins médicinales. Ce groupe était collectivement appelé « tu 荼 » qui signifie « plante amère ».

C’est Lu Yu dans son traité qui attribua au thé son propre caractère : 茶. Ce caractère a évolué à partir d’une version antérieure, tu 荼, en supprimant un trait horizontal.

Extraits du Cha Jing


Le théier sauvage donne de meilleures feuilles que le théier cultivé. Si l’arbre pousse dans une forêt sombre, sur l’adret d’une montagne, il faudra préférer les feuilles rousses aux feuilles vertes…

Pour faire bouillir le thé, les meilleures de toutes les eaux sont celles qui s’écoulent des stalactites et celles qui ruissellent doucement sur des lits de roches.

Le thé est très subtil et il ne convient pas de le mélanger à une quantité d’eau trop importante sous peine de le voir s’affadir.

Pour chasser la soif, il faut boire de l’eau, pour chasser les soucis, il faut boire du vin. Pour s’éclaircir l’esprit et rester éveillé, il faut boire du thé.

Sources :

Tea, Cha or Chai : The Etymology of Tea – Why English call it Tea, Chinese call it Cha and Indians call it Chai!

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