La découverte du thé en Occident

Découverte du thé en Occident Mateo Ricci et l'Empereur Guangqi

Hormis quelques voyageurs, le thé est resté inconnu en Europe jusqu’au 16ᵉ siècle. Avant cela, nous ne trouvons aucun témoignage de cette boisson dans les récits de l’époque. Découvrons ici les premiers textes européens qui décrivent la découverte de cette boisson.

Une première mention en Italie en 1559


Diplomate de profession, l’Italien Giovanni Battista Ramusio (1485-1557) compila plusieurs récits d’explorateurs dans un recueil de traités géographiques nommé Navigationi e Viaggi (Navigations et voyages). Cette grande œuvre fût totalement éditée en 1559. Dans l’un de ses volumes, il mentionne un voyageur persan du nom de Haji Mohamed. Ce dernier évoque le Chai Catai (littéralement Chai de Cathay ou en anglais moderne, thé de Chine).1 et 2

Macao, port d’entrée sur la Chine


Grâce à leur maîtrise de la navigation et leur esprit de conquête au 15ᵉ et 16ᵉ siècle, les Portugais furent les premiers occidentaux à s’établir durablement en Chine.

Après différentes tractations avec l’Empire chinois, ils purent établir une colonie à Macao en 1557. Malgré sa faible superficie, le port de Macao connu rapidement un grand essor, et finit par devenir le plus peuplé et le plus prospère de tous les ports portugais d’Asie orientale.

Une fois les ports de commerces établis, ce sont les religieux qui furent les Européens les plus aptes à s’insérer aussi bien au plan local que dans les cours impériales.

Les premiers témoignages écrits des missionnaires autour du thé


C’est ainsi que Gaspard de Santa-Cruz (1520-1570), un missionnaire dominicain portugais, est connu pour être l’un des premiers occidentaux à témoigner autour de sa découverte du thé.

« Quelle que soit la ou les personnes qui viennent pour la maison de tout homme de qualité, il est d’usage de l’offrir sur un plateau équitable dans une tasse en porcelaine (ou autant de tasses qu’il y a des personnes) une sorte d’eau tiède qu’ils appellent Cha, ce qui est un peu rouge et très médicinal, qu’ils utilisent pour boire, fabriqué à partir d’une concoction d’herbes un peu amères ; avec ça ils accueillent généralement toutes sortes de personnes qu’ils respectent, qu’elles soient connaissances ou non, et à moi, ils l’ont proposé à plusieurs reprises. » Gaspard de Santa-Cruz dans Tratado das coisas da China 1569. 3

Luís de Almeida (1525-1583) fût prêtre jésuite missionnaire au Japon. Il donna une description détaillée dans une lettre en 1565 de la préparation d’un thé matcha dans ces termes :

« Il y a une coutume parmi les nobles et de riches Japonais pour montrer leurs trésors à un invité d’honneur à son départ en gage de leur estime. Ces trésors sont constitués d’ustensiles avec lesquels ils boivent une herbe en poudre, appelée cha, qui est une boisson délicieuse une fois qu’on s’y est habitué. Pour faire cette boisson, ils versent la moitié d’une coquille de noix de cette herbe en poudre, puis en ajoutant de l’eau très chaude, ils boivent le breuvage. Tous les ustensiles utilisés à cet effet sont très vieux – les bouilloires en fer, le bol en porcelaine, le récipient contenant l’eau à rincer, le trépied en place sur lequel ils placent le couvercle de la bouilloire en fer afin de ne pas le poser sur les tapis. Le récipient contenant la poudre de cha, la cuillère utilisée pour le retirer, la louche pour puiser l’eau chaude de la bouilloire, le foyer. » Giovanni Pietro Maffei, Le historie delle Indie orientali 1589.

Matteo Ricci (1552-1610) était un missionnaire jésuite italien qui s’est intégré au plus proche de la civilisation chinoise de l’époque. Il arrive à Macao en 1582. En 1601, il est le premier Européen à être invité à la cour impériale de Pékin auprès de l’empereur Wanli. Il restera dès lors au service de la cour Impériale en tant qu’érudit. Ce n’est qu’en 1608 qu’il rédigera l’histoire de sa mission en Chine sous le titre De l’entrée de la Société de Jésus et du christianisme en Chine.

« Je vais mentionner deux ou trois choses auparavant inconnues de nous. L’une concerne un arbuste qui ne porte pas de fruits, dont les feuilles sont utilisées pour fabriquer le Cia, qui est très considéré dans ces régions et dans les environs. Cette coutume ne peut être particulièrement vieille parce qu’aucune mention n’en est faite dans les livres anciens. Ce type d’arbuste peut même pousser dans les bois. Ils cueillent les feuilles au printemps puis les placent à l’ombre pour les faire sécher. Les feuilles s’utilisent en décoction avec une eau, elle est très appréciée pour son goût délicieux et parce qu’elle améliore l’humeur et la digestion ; elle est bue plutôt chaude et toute la journée. Pour ces raisons, on le boit non seulement au repas, mais chaque fois que des invités viennent à la maison, la première chose qu’on leur offre est une tasse de Cia à boire. Si leur visite se prolonge, des tasses supplémentaires seront offertes, même trois ou quatre fois. Il existe de nombreux niveaux, chacun étant une qualité plus fine ; certains valent un scudo [NDLR monnaie italienne de l’époque], d’autres deux ou trois. Le thé est plus cher au Japon, avec la meilleure qualité au prix de dix à douze écus. Il est également préparé dans une manière différente de la Chine ; en fait, au Japon, ils poudrent les feuilles puis mettent une ou deux petites cuillères de cette poudre dans chaque tasse, buvant la poudre avec l’eau. En Chine, ils placent la moitié d’une once de ces feuilles dans un pot d’eau chaude, puis filtrent l’eau pour la boire, laissant les feuilles dans le pot. Dès que tout le monde est assis, un domestique portant de longues robes vient à la table portant un plateau contenant un certain nombre de tasses de cette décoction de Cia que j’ai décrite dans le deuxième chapitre. La tasse contient également des fruits ou confiture sucrée accompagnés d’une petite cuillère en argent ou autre objet élégant qui peut être utilisé pour manger ce fruit. Si les invités restent assis longtemps, on leur servira du thé deux ou trois fois, à chaque fois avec un fruit sec différent ou conservé dans la tasse. »

Au cours des décennies suivantes, les jésuites ont continué à fournir des descriptions détaillées de la production et de la consommation de thé en Chine. Ces témoignages ont contribué à accroître l’intérêt pour le thé en Europe, et à partir des années 1610, le thé a commencé à être importé sur le continent européen par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.

  1. You must unlearn what you have learned dans teaconomics.teatra.de ↩︎
  2. The First Mention of Tea in European Literature dans bostonteapartyship.com ↩︎
  3. Before the Arrival of Tea in Europe. The Chinese beverage in western sources prior to the 17th century. de Livio Zanini ↩︎

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